Punaises de lit

Punaises de lit :

Désinsectisation de l’immeuble, du logement loué, à la charge de qui ?

Chers adhérents,

La recrudescence d’infestations de logements par des des punaises de lit constitue une question d’actualité et pose nécessairement la question de l’imputation du coût de la désinsectisation, et du régime de la preuve.

I – Que dit la loi ?

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Concernant les parties communes de l’immeuble

Lorsque l’immeuble est soumis au statut des immeubles bâtis en copropriété, il revient au syndic de procéder à l’opération de désinsectisation des parties communes. La dépense sera alors supportée par les copropriétaires au prorata des tantièmes.

Le propriétaire devra notifier à son locataire un processus strict et rigoureux au moment de l’intervention. Le coût des produits utilisés pour le traitement pourra être récupéré sur les charges locatives en plus du loyer.

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Concernant les parties privatives mises en location

  • Obligations et responsabilité du bailleur 

L’article 1719 du Code civil édicte que le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement décent.

De même, l’article 6 de la loi de 1989, modifié par la loi ELAN, impose également au bailleur de remettre au locataire un logement décent exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites et doit assurer au locataire une jouissance paisible.

La notice d’information obligatoirement annexée au bail d’habitation a été actualisée en ce sens par un arrêté du 16 février 2023.

Enfin, il convient de citer la réponse ministérielle publiée au JO du Sénat du 11 juillet 2019, qui affirme qu’en cas d’infestation de punaises de lit, le bailleur est dans l’obligation de supporter les frais de ladite désinsectisation.

Ainsi au regard des dispositions précitées, l’obligation d’éradication d’insectes nuisibles incombe au propriétaire bailleur. Il peut échapper à cette responsabilité s’il démontre que les insectes nuisibles sont apparus par la faute, voire la négligence du preneur.

  • Obligations et responsabilité du locataire :

L’article 7 d de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire d’assurer l’entretien de son logement. Cela inclut les traitements nécessaires à la prévention et au traitement des nuisibles, ainsi que le maintien du logement propre sans détritus, chauffé et aéré.

Par ailleurs, l’article 7 c de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire de démontrer qu’il n’est pas responsable des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée de la location à moins qu’il prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans les lieux.

De plus, la notice d’information obligatoirement annexée au bail d’habitation rappelle les obligations du locataire à savoir adopter les gestes simples recommandés pour traiter et endiguer l’infestation et à contacter immédiatement le bailleur.

II - L’appréciation des tribunaux

L’attribution de la charge de la preuve ainsi que la preuve elle-même sont des sujets extrêmement sensibles. Les punaises de lit peuvent se développer alors même que le locataire entretient parfaitement son logement : il n’existe pas de corrélation entre saleté et punaise de lit.

Plusieurs décisions sont venues tant condamner le rôle actif du locataire dans l’infestation de punaises de lit que le bailleur.

De plus et, dans la mesure où il est impossible de savoir comment les punaises de lits sont entrées dans l’immeuble, on pourrait appliquer les règles générales de la charge de la preuve en matière civile. L’article 1353 du code civil édicte : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. »

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Jugement ayant retenu la responsabilité du locataire

Le contrat de bail transfère la garde juridique de l’appartement au locataire qui en est responsable.

En effet, c’est la conclusion d’un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry en date du 31 janvier 2017 où le juge avait constaté que les locataires étaient dans les lieux depuis 3 ans, et que les autres appartements n’étaient pas infestés. Dès lors la présence de punaises de lit dans les lieux résultait d’une cause étrangère au bailleur rendant inapplicable l’article 1719 du code civil.
Cette infestation était imprévisible, extérieure à l’appartement et irrésistible pour le propriétaire car il n’était pas en mesure de la prévenir.

Un autre arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du 28 octobre 2010 a imputé le coût de la désinsectisation de l’appartement à un locataire en raison de l’état de saleté résultant de l’insouciance du preneur. Le juge avait considéré que l’état de l’appartement et la désinvolture du locataire étaient suffisants pour prouver l’origine du problème extérieur à l’état de l’appartement en lui-même.

Si l’infestation se produit après un certain temps, le locataire devrait prendre en charge la désinsectisation sauf à ce qu’il prouve qu’il n’est pas responsable. Il devra alors démontrer – par des photos, des témoignages, constat d’huissier, … – que l’appartement était infesté et que la contamination n’est pas de son fait

Nous pouvons citer, à titre d’exemple, l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 9 février 2023. Ladite cour a mis à la charge du locataire le traitement du logement contre les punaises de lit découvertes 2 ans après son entrée dans les lieux, alors même que les autres logements de l’immeuble ne sont pas infectés.

Certaines décisions des tribunaux ont également considéré que la suroccupation d’un logement et son mauvais état d’entretien étaient des éléments suffisants pour mettre en cause la responsabilité des locataires.

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Jugement ayant retenu la responsabilité du propriétaire

Il existe des jugements ayant retenu la responsabilité du propriétaire basés notamment sur :

  • la quasi-concomitance entre l’entrée dans les lieux et l’apparition des dommages subis par les locataires : CA Aix-en-Provence, 6 septembre 2023
  • la provenance des punaises de lit du logement voisin : CA Aix-en-Provence 14 décembre 2022
  • le désintérêt du propriétaire,
  • ou, en cas de grave infestation, sur le fait de ne pas avoir assuré la désinsectisation des parties communes.

Si l’infestation se produit de manière concomitante entre l’entrée dans les lieux et l’infestation, le bailleur pourrait être responsable sauf preuve contraire. Il devra prendre en charge la désinsectisation de l’appartement.

            Une lecture croisée de ces jurisprudences nous permet de conclure que la charge de la preuve et la responsabilité peuvent s’apprécier au cas d’espèce.

III - En pratique

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Nécessité de communication entre les parties

La communication entre le bailleur et le locataire est essentielle. Lorsqu’un locataire constate la présence de punaises de lit, il doit informer sans délai le bailleur.

Le propriétaire bailleur doit se rendre sur place afin d’examiner le logement ainsi que les parties communes. Il peut au besoin demander à une entreprise spécialisée de se rendre dans les lieux et de lui remettre un rapport détaillé de ce qu’il a constaté ; le coût de cette opération est d’environ 170 € pour un immeuble de 3 ou 4 étages.

Le preneur devra respecter les consignes données par l’entreprise de désinsectisation comme vider les placards, laver le linge à haute température, aspirer et jeter les sacs poubelles. Il prendra également toutes les mesures préventives pour éviter une nouvelle infestation : inspecter régulièrement la literie, éviter d’acheter ou échanger des meubles d’occasion, housse matelas anti acariens…

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Recours en cas de désaccord ?

a. Amiable

En cas de désaccord, propriétaires ou locataires saisiront préalablement la Commission départementale de conciliation des baux d’habitation qui émettra un avis.

b. Recours contentieux

En cas de saisine du juge, ce dernier statuera selon le cas d’espèce à qui incombe la désinsectisation.

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Préconisations

a. Au départ du locataire sortant

Il pourrait être opportun le jour de l’état des lieux de sortie de faire signer une attestation au locataire sortant, précisant qu’il n’y a pas eu de nuisibles au cours de la location. Cela constituera un commencement de preuve.

b. A l’entrée du nouveau locataire

Il est joint à titre obligatoire une série de diagnostics. Le diagnostic parasitaire n’entre pas dans la liste desdits diagnostics. Cependant, il pourrait être également opportun d’annexer au contrat de bail un diagnostic parasitaire attestant que le logement au moment de la prise du d’effet du bail est exempt de nuisibles.

c. Préconisations auprès du locataire

Eviter d’encombrer les espaces afin de réduire le nombre d’endroits où les punaises de lit peuvent se cacher. Laver les vêtements d’occasion à plus de 60 degrés ou les mettre au congélateur 72h minimum.

Aspirer et nettoyer avec un appareil à vapeur les meubles récupérés en brocante ou dans la rue.

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